Un parcours entre philosophie et sciences sociales
Postface de Alain Caillé et Philippe Chanial
Le temps est révolu où l’on pouvait croire que la démocratie ne peut se réaliser que dans le cadre d’un État-nation, superposant sur un territoire, un peuple, une langue, une culture et une religion, transcendante ou séculière. La tâche prioritaire est désormais de penser les modalités plausibles de la coexistence au sein d’un même État et entre États de traditions culturelles diverses, traversant les frontières politiques.
Sur ce point décisif, le débat reste en France piégé par l’opposition rituelle entre républicanisme et communautarisme. D’où l’importance de ce livre du philosophe Francesco Fistetti, qui élargit considérablement la réflexion en exposant ce qui s’argumente ailleurs sur ce thème, à travers les Cultural Studies, Subaltern Studies, Postcolonial Studies et autres travaux mal connus en France. L’auteur en offre ici, entre philosophie et sciences sociales, une synthèse rigoureuse et pédagogique. Il montre comment cette aventure intellectuelle radicale peut frayer la voie à une redéfinition originale des notions d’identité, de culture, de nation ou de citoyenneté et, par là, à une intelligence renouvelée de la démocratie elle-même.
Dans le sillage de ces courants, mais aussi des travaux de Gramsci et de Arendt, la condition multiculturelle bien comprise prend alors un tout autre visage : celui d’une forme de vivre-ensemble où la différence culturelle et le conflit, loin d’être la cause de confrontations violentes, viendraient alimenter une spirale vertueuse, fondée sur la liberté de se « donner » et de se reconnaître mutuellement. Bref, une démocratie résolument multiculturelle, mais débarrassée de tout irénisme.