Traduit du portugais mozanbique
Dans les années 1950, au temps de la colonisation portugaise, les déambulations claudicantes d’un chien teigneux aux yeux bleus, dans une bourgade du sud du Mozambique, attirent l’attention des autorités. Le chien devra être tué. Mais qui exécutera la sentence ?
Le vétérinaire confie cette tâche aux enfants de l’école… Dinho, le jeune narrateur (noir), voudrait bien faire partie du groupe, même si celui-ci est dominé par un fils de colons, mais il est freiné par l’amitié qui le lie au chien… Publié en 1964, ce récit est devenu un classique de la littérature africaine. Ainsi, derrière l’image du chien teigneux devine-t-on aisément le sort réservé au colonisé… Le point de départ d’une réflexion sur la nature des hommes en groupe, leur cruauté, leur lâcheté et leur consciences…Un texte très fort servi ici par le regard lucide de l’illustrateur Jean-Philippe Stassen.
PRESSE
La revue des livres pour enfants – n°230
Dans un village de l’Afrique coloniale, un vieux chien d’aspect repoussant et aux yeux étonnamment bleus attise l’imagination du jeune héros noir qui observe et raconte: comment ce chien a pour seule amie une petite fille un peu étrange; comment il dérange Monsieur l’Administrateur qui décide de s’en débarrasser; comment l’aide-vétérinaire demande à la bande de garçons qui traîne là de le supprimer avec leurs carabines et quel bon exercice ça ferait pour eux…
Un texte fort, d’une écriture simple qui sait parfaitement faire sentir l’ambivalence des sentiments du jeune héros entre son désir de plaire au groupe pour y être pleinement admis et ses réactions instinctives d’horreur pour ce qu’on lui demande de faire, de compassion envers les « victimes » du groupe, dans un contexte colonial très imprégné de sentiments racistes, montrés par des paroles qui nous révoltent, mais dont le jeune héros ne semble pas avoir conscience. Et une fin très triste où passe son sentiment d’impuissance dans sa soumission au meneur du groupe. On connaît l’attachement de Jean-Philippe Stassen pour l’Afrique (Le Bar du vieux Français, Deogracias): ses illustrations s’accordent très bien à la tonalité de ce récit, où le trait grossi souligne la cruauté de l’histoire, magistrale démonstration des contraintes qu’exercent sur les individus les lois d’une société.
Coup de Cœur: Le chien aux yeux bleus des colonies
L’histoire aboie comme le colon portugais sur les Noirs du Mozambique. Luis Bernardo Howana l’a publié en 1964. Son titre? Nous avons tué le chien teigneux. C’est devenu un classique de la littérature africaine. Quarante ans plus tard, le texte est enfin traduit en français. Le dessinateur liégeois Jean-Philippe Stassen, auteur terrifiant de Deogratias, l’album exorcisme du génocide rwandais, illustre le côté obscur de ce livre en larmes. En regard du texte, ses images d’horreur sombre nous ouvrent les yeux tout grands de peur.
Le chien teigneux est la victime expiatoire du délit de sale gueule. Il a la peau noire et cousue de cicatrices. Personne n’en veut. Il vit rongé par les mouches. Il faudrait être dérangé dans sa tête pour le caresser. Il n’est bon qu’à être chassé, à être battu. Ou abattu, s’il devait se montrer trop collant, trop curieux…
Les petits Blancs vont se mettre à douze pour le massacrer avec les carabines de leurs parents. Ils chargeront Dinho, un jeune Noir, de mener le chien vers son lieu d’exécution. Cette « racaille de nègre », ce « fils de putes noires » pleurera toutes les larmes de son corps sans parvenir à se rebeller. Il était écrit que le pauvre chien n’échapperait pas au carnage.
Il faut lire cette fable cruelle du chien teigneux pour apprendre à ne plus jamais appuyer sur la gâchette en se disant qu’on ne peut faire autrement. A ne plus jamais se taire quand on entend gémir et grincer les os. A ne plus jamais croire que celui qui meurt ira tout droit au ciel pour être heureux.
Coup de Cœur: Le chien aux yeux bleus des colonies
L’histoire aboie comme le colon portugais sur les Noirs du Mozambique. Luis Bernardo Howana l’a publié en 1964. Son titre? Nous avons tué le chien teigneux. C’est devenu un classique de la littérature africaine. Quarante ans plus tard, le texte est enfin traduit en français. Le dessinateur liégeois Jean-Philippe Stassen, auteur terrifiant de Deogratias, l’album exorcisme du génocide rwandais, illustre le côté obscur de ce livre en larmes. En regard du texte, ses images d’horreur sombre nous ouvrent les yeux tout grands de peur.
Le chien teigneux est la victime expiatoire du délit de sale gueule. Il a la peau noire et cousue de cicatrices. Personne n’en veut. Il vit rongé par les mouches. Il faudrait être dérangé dans sa tête pour le caresser. Il n’est bon qu’à être chassé, à être battu. Ou abattu, s’il devait se montrer trop collant, trop curieux…
Les petits Blancs vont se mettre à douze pour le massacrer avec les carabines de leurs parents. Ils chargeront Dinho, un jeune Noir, de mener le chien vers son lieu d’exécution. Cette « racaille de nègre », ce « fils de putes noires » pleurera toutes les larmes de son corps sans parvenir à se rebeller. Il était écrit que le pauvre chien n’échapperait pas au carnage.
Il faut lire cette fable cruelle du chien teigneux pour apprendre à ne plus jamais appuyer sur la gâchette en se disant qu’on ne peut faire autrement. A ne plus jamais se taire quand on entend gémir et grincer les os. A ne plus jamais croire que celui qui meurt ira tout droit au ciel pour être heureux.
La Libre Belgique – 23 juillet 2006
La nouvelle de l’auteur mozambicain Honwana est si profonde et ouvre tant de pistes de réflexion qu’elle se laissera lire avec intérêt par les adultes. Mais Nous avons tué le chien teigneux est avant tout destiné aux enfants (8 à 12 ans). Il raconte le dilemme de Dinho, le narrateur, partagé entre l’amitié qu’il éprouve pour un vieux chien malade, que les adultes rejettent parce qu’il est sale et repoussant, et son désir de faire partie d’un grouoe d’enfants, chargé par le vétérinaire public d’exécuter discrètement le vieil animal. Le récit est l’occasion, pour le lecteur, de faire brutalement connaissance avec le racisme de la colonie portugaise d’Afrique qu’était encore le Mozambique à l’époque où Honwana écrivit son œuvre (1950), racisme fait de familiarité et de violence. Avec le machisme enseigné aux garçons. Avec la lâcheté des adultes et celle de senfants. L’angoisse de Dinho est rendue de manière palpable par les dessins de Jean-Philippe Stassen, déjà remarqué pour son inoubliable illustration du génocide rwandais, la BD Deogratias. A lire et à discuter avec les plus jeunes.
Erwan L’Helgouach, ArtsLivres
Nouvelle d’enfance, portrait sur la méchanceté des chenapans quand ils se mesurent les uns aux autres. Ne voulant lui-même euthanasier un clébard mal en point, un vétérinaire exploite l’intérêt des garçons pour les armes… Bel petit ouvrage illustré en quadrichromie.
Cette nouvelle illustre bien la versatilité et la méchanceté des garçons quand ils jouent aux héros, les uns n’hésitant pas à se moquer des copains affichant quelque sensibilité ou scrupules. Ainsi, l’amour proverbial qu’ont la plupart des enfants pour les animaux peut être balayé d’un revers de main par une simple invocation au courage. Le Chien Teigneux, dont tous s’étaient pris d’affection en dépit de sa décrépitude, n’en mène soudain pas large :
« Le Chien Teigneux me fixait. Ses yeux bleus ne brillaient pas, mais ils étaient immenses et pleins de larmes qui coulaient le long de son museau. Ils faisaient peur, ces yeux, si grands, qui regardaient comme quelqu’un qui demanderait quelque chose sans vouloir le dire. Quand maintenant je le regardais au fond des yeux, je sentais un poids beaucoup plus grand que quand je tenais la corde qui tremblait d’être si tendue, avec les os qui voulaient se sauver de ma main et les gémissements qui sortaient, noyés dans la bouche fermée.
J’avais une terrible envie de pleurer mais je ne pouvais pas le faire devant tous les autres qui me regardaient (p.63) ».
Ce texte vaut aussi par sa (brève) description de l’insouciance, et même de l’inconscience, adulte : c’est monsieur Duarte qui leur remet l’arme entre leurs mains, tout en se dédouanant avec quelques recommandations générales. Publié en 1964, les lignes révèlent ici et là un parfum du passé colonial du Mozambique : allusion à la ville Lourenço Marques ( l’actuelle Maputo ), et surtout le jeu entre les enfants, entre Dinho le petit Africain à qui incombe finalement la sale besogne, et les autres enfants des colons portugais…