«Mon objectif est d’examiner la persistance d’une idée fausse: la nocivité du bilinguisme. Comment cette idée a-t-elle pris forme ? Comment a-t-elle pu perdurer ? L’enquête ainsi annoncée commence au milieu du XIXe siècle au Pays de Galles et se poursuit jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Sont successivement versées au dossier les thèses largement diffusées en fin de siècle qualifiant le bilinguisme de fléau social, moral et d’empêchement de penser, les conférences internationales sur l’éducation en situation bilingue de 1911 à 1933, la mise au point des tests d’intelligence qui donnent un tour scientifique à la dénonciation du bilinguisme, les études universitaires et les publications de grands linguistes de l’entre-deux-guerres.»
Andrée Tabouret-Keller mène son enquête au plus près des documents avant de s’interroger sur les circonstances historiques, les situations sociales et les soubassements idéologiques qui jouent dans la persistance et le renouvellement de l’idée de nocivité du bilinguisme : scientisme et nationalisme y trouvent bonne place sur fond de rejet du mélange et de l’impur. Pour ouvrir une perspective où les situations linguistiques complexes bénéficieraient d’une approche anthropologique faisant aussi place à l’histoire personnelle des bilingues.